La Vérité (*) : Des ressortissants malagasy seraient récemment expulsés des Comores. Quelles en sont les causes ?
Ministre Souef Mohamed El- Amine (=) : En effet, les autorités comoriennes ont dû procéder à l’expulsion de certains ressortissants malagasy pour non-respect des procédures normales et autres conditions de voyage. Certains n’avaient pas de visa d’entrée dans le territoire comorien, d’autres étaient titulaires d’un visa valide, mais ne disposaient pas d’un billet retour. Il y a enfin une partie d’entre eux qui ont effectué le voyage avec de faux documents. Nous étions ainsi dans l’obligation de refouler ces personnes, après avoir informé les autorités malagasy. En outre, ces personnes n’ont démontré ni leurs moyens de subsistance, ni des attestations de prise en charge durant leur séjour aux Comores. Pour votre information, nous avons découvert près d’une dizaine de Malagasy entassés dans les cales d’un bateau, dans des conditions très difficiles, avec la complicité du commandant du navire. Nous avons procédé à l’arrestation de ce commandant. Et une enquête a aussitôt été ouverte.
(*) : Des confiscations de papiers et séquestration des vacanciers malagasy auraient eu lieu, selon les publications sur certains sites. Confirmez-vous ces faits ?
(=) : Je ne suis pas sûr que de tels actes aient eu lieu. Tout Malgache vivant aux Comores se sent chez lui et en sécurité. Les Malgaches arrêtés sont ceux qui n’ont pas rempli les conditions légales et réglementaires pour entrer sur le territoire comorien. En revanche, il y a le cas de 38 Malgaches qui ont été recrutés par une société comorienne, dont 27 ont exprimé le souhait de rompre leur contrat de travail.
Les autorités malgaches nous ont saisis officiellement en nous demandant de faciliter leur retour à Madagascar. Nous avons ainsi pris toutes les dispositions pour assurer leur rapatriement. Les 11 autres qui ont décidé de continuer leur contrat, ont fait une déclaration devant un huissier sur leurs bonnes conditions de vie et de travail.
(*) : Ce n’est pas la première fois que les Comores passent aux expulsions. Pouvez-vous nous en dire plus ?
(=) : Je n’ai pas souvenir des expulsions dont vous parlez. Si c’est le cas, c’est que ces personnes ont enfreint les lois en vigueur en matière d’entrée ou de séjour d’un étranger aux Comores. Les autorités comoriennes ne peuvent aucunement expulser un ressortissant étranger, de surcroit un Malgache, sans raison. L’Union des Comores et Madagascar ne sont pas seulement unies par la géographie, elles partagent aussi un long cheminement historique. Je voudrais souligner également que les deux Gouvernements travaillent étroitement pour démanteler les réseaux criminels, dans les deux pays, qui organisent ces voyages vers les Comores, dans la perspective de faciliter les destinations vers les pays du Golfe.
(*) : Le ministère malagasy des Affaires étrangères a communiqué la tenue d’une enquête en cours. Avez-vous des informations ou résultats préliminaires à communiquer ?
(=) : Comme le ministère des Affaires étrangères de Madagascar, nous avons aussi ouvert une enquête aux Comores pour situer les responsabilités des uns et des autres. Les deux pays ont intérêt à raffermir leur coopération, notamment en matière d’échanges d’informations, pour juguler un phénomène dangereux qui risque de se développer dans cette région, en l’occurrence la traite des personnes. A ce stade, il est très tôt pour communiquer toute information relative à l’enquête en cours.
(*) : Des ressortissants comoriens sont pris de panique suite aux informations sur ce refoulement véhiculées sur les réseaux sociaux. Votre message face à cette situation ?
(=) : Nous appelons les ressortissants comoriens résidant à Madagascar à ne pas céder à la panique. Des sites peu crédibles s’amusent à véhiculer des informations qui ne correspondent aucunement à la réalité des faits. Les relations entre l’Union des Comores et Madagascar sont anciennes et assez fortes pour résister aux rumeurs malveillantes de ces pécheurs en eaux troubles. Nous invitons en même temps nos ressortissants à Madagascar à respecter scrupuleusement les lois en vigueur dans leur pays d’accueil et à œuvrer dans le sens du renforcement des liens séculaires d’amitié et de fraternité existant entre les deux pays.
(*) : Quelles seront les autres mesures à adopter, dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale entre Madagascar et les Comores ?
(=) : Plusieurs rencontres ont eu lieu au plus haut niveau entre les Comores et Madagascar, aussi bien entre les deux Chefs d’Etat, Sem Azali Assoumani, et Sem Andry Rajoelina, en marge des forums internationaux, qu’entre les deux ministres des Affaires étrangères, Sem Souef Mohamed El-Amine, et Sem Naina Andriantsitohaina. Les deux parties sont convenues de porter la coopération bilatérale à un niveau stratégique. En octobre prochain se tiendra à Moroni la commission mixte Comores-Madagascar qui abordera l’ensemble de ces questions dans l’objectif de renforcer davantage l’axe Moroni-Tana.
(*) : Pourriez-vous avancer l’effectif des ressortissants malagasy aux Comores. Et leurs secteurs d’activités ?
(=) : C’est une question difficile, nous espérons que les recensements programmés dans les deux pays permettront de nous éclairer sur cette question. La communauté comorienne vit à Madagascar depuis plusieurs décennies à l’époque coloniale où les Comores étaient une province rattachée à Madagascar. Certes, il ya beaucoup de métisses comoriens malgaches, et les natifs de Madagascar connus sous le nom de Zanatany. Il ya des personnes qui sont arrivées bien avant. Beaucoup d’entre nous ignorent que Ramanetaka parti en exil aux Comores avec 100 Hovas durant les conflits royaux à Madagascar était devenu le sultan de Mohéli sous le nom du sultan Abderrahmane. Andrianantsoly Roi Sakalava a cédé l’île de Mayotte à la France en 1841, et la France a étendu sa colonisation sur les trois autres îles des Comores.
(*) : Qu’en est-il des ressortissants Comoriens à Madagascar ?
(=) : Beaucoup d’enseignants aux Comores longtemps étaient des Malgaches, certains ont choisi d’en faire leur deuxième patrie en épousant des Comoriennes, on les retrouve dans la santé et plusieurs secteurs de l’économie, les comptables malgaches sont appréciés par les entreprises comoriennes. Actuellement, on trouve certains dans l’hôtellerie et la restauration, la construction des maisons. Je pense que le futur Consulat malgache aux Comores aura comme première mission de faciliter leur recensement car ici le pays étant petit c’est plus facile que compter les Comoriens éparpillés dans la Grande île sœur.
Propos recueillis par Patricia Ramavonirina